Poème descriptif
Caché derriere mon filet, j'attends:
mes yeux fatigués scrutent la forêt,
attentifs au moindre mouvement.
Je suis aux aguets.
C'est un moment grisant
pratiqué depuis la nuit des temps.
Quand les premiers hominidés,
pour vivre, devaient chasser.
Bien que la chasse, la traque et l'affût
soient ancrés dans mes gènes,
j'oppose un catégorique refus
d'ôter la vie d'une bête.
Alors j'immortalise l'instant :
ma caméra filme un animal,
capture un comportement
ou un detail qui, pour certain, parraît banal,
mais qui, pour moi, est important.
L'affût est un moment oú tous les sens
sont mis à contribution:
où ils ont chacun leur chance
de prouver leur fonction
et peut-être de justifier
leurs raisons d'être aiguisés.
J'entends...
Le bruissement des fougères
qui frottent les unes contre les autres
aussi fort qu'un coup de tonnerre;
Le ruisseau un peu plus loin
qui bourdonne en ce beau matin ;
Le babillement du troglodyte mignon
qui s'en donne à plein poumon;
Mais je sens, aussi...
L'odeur humide de l'humus frais
sur lequel je suis assis;
Y est mêlée celle des genêts
et de l'hiver déjà parti.
Le vent de face, par moment,
m'amène d'autres informations.
Une odeur musquée,
un sanglier a dû passer ;
Je vois...
La lumière du soleil matinal
percer la conopée,
frayer son chemin final
au travers des feuilles du merisier
auquel je suis adossé, bancal,
et sur son écorce se déposer
en giclées d'or et de flammes.
Je vois le mouvement répétitif
des branches balotées par le vent
et le déplacement furtif
d'un papillon qui me passe devant.
La lune n'est pas encore couchée.
Je sens...
La petite brise qui me caresse
le visage engourdi par le froid.
Les poils de ma nuque qui se dressent.
Une fourmi me chatouille sous ma parka,
ne pas bouger, attendre que ça cesse.
C'est aussi l'occasion de prendre le temps,
de Réaliser le moment present:
se rendre compte, consciemment,
que notre quotidien est bruyant:
Un avion passe au loin,
une tronçonneuse à 2km, au moins;
un train déplace,
dans la vallee d'en face,
des gens que leur train-train broie;
Un chien aboie.
Et c'est autant de déchirures
dans la bande son de la nature.
Déguisé en buisson,
je me fonds dans le paysage.
Des pieds au menton,
je porte des vêtements camouflage.
Mais des vetements sans odeurs,
stockés au grand air pendant des jours:
L'odeur de la lessive me fait peur,
elle pourrait menacer l'affût en cours.
Je connais la sensibilité
de l'odorat de ces créatures,
j'essaye de les imiter,
de faire partie de la nature.
J'aime à me perdre dans mère nature,
dans son immensité, avec intensité.
Ne pas penser au futur.
Et, pour un moment, me laisser aller.
Pendant l'attente,
j'essaye de rester attentif,
que je sois dans une tente
ou caché derrière un if.
Je me concentre sur ma respiration.
Je tente d'ignorer l'inconfort,
c'est presque une meditation.
Mais, je suis sous l'emprise d'un sort:
Souvent, mon esprit divague.
Les yeux dans le vague,
mon esprit reste dans une alerte passive,
un mouvement, une ombre furtive,
un craquement ou une fragrance,
j'attends l'animal qui trahira sa présence.
Mes pensées gambergent,
je pense à toi:
Mon cœur me tend une perche.
Douze est-il inférieur à trois?
Le frisson de plaisir
et la montée d'adrénaline
que me procure l'animal de mes désirs
lorsqu'il, enfin, montre sa mine,
n'est qu'une partie de ce qui m'anime:
C'est aussi, pour moi, l'affût:
retrouver le sauvage de ma nature;
ne plus être un visiteur perdu
mais un element actif de la nature.
C'est une manière d'aiguiser mes sens,
de réaliser que j'ai de la chance.
Une excuse pour revasser
et dans mes souvenir me replonger.
C'est retrouver un regard d'enfant,
regarder les détails insignifiants,
les choses qu'on ne voit plus, blasés.
C'est aussi ca, s'émerveiller.
11 décembre 2023. Simon Maurissen. Composé durant un affût.
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