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  • Simon Maurissen

A l'affût

  • Poème descriptif

 

Caché derriere mon filet, j'attends:

mes yeux fatigués scrutent la forêt,

attentifs au moindre mouvement.

Je suis aux aguets.

 

C'est un moment grisant

pratiqué depuis la nuit des temps.

Quand les premiers hominidés,

pour vivre, devaient chasser.

 

Bien que la chasse, la traque et l'affût

soient ancrés dans mes gènes,

j'oppose un catégorique refus

d'ôter la vie d'une bête.

Alors j'immortalise l'instant :

ma caméra filme un animal,

capture un comportement

ou un detail qui, pour certain, parraît banal,

mais qui, pour moi, est important.

 

L'affût est un moment oú tous les sens

sont mis à contribution:

où ils ont chacun leur chance

de prouver leur fonction

et peut-être de justifier

leurs raisons d'être aiguisés.

 

J'entends...

Le bruissement des fougères

qui frottent les unes contre les autres

aussi fort qu'un coup de tonnerre;

Le ruisseau un peu plus loin

qui bourdonne en ce beau matin ;

Le babillement du troglodyte mignon

qui s'en donne à plein poumon;

 

Mais je sens, aussi...

L'odeur humide de l'humus frais

sur lequel je suis assis;

Y est mêlée celle des genêts

et de l'hiver déjà parti.

Le vent de face, par moment,

m'amène d'autres informations.

Une odeur musquée,

un sanglier a dû passer ;

 

Je vois...

La lumière du soleil matinal

percer la conopée,

frayer son chemin final

au travers des feuilles du merisier

auquel je suis adossé, bancal,

et sur son écorce se déposer

en giclées d'or et de flammes.

Je vois le mouvement répétitif

des branches balotées par le vent

et le déplacement furtif

d'un papillon qui me passe devant.

La lune n'est pas encore couchée.

 

Je sens...

La petite brise qui me caresse

le visage engourdi par le froid.

Les poils de ma nuque qui se dressent.

Une fourmi me chatouille sous ma parka,

ne pas bouger, attendre que ça cesse.

 

C'est aussi l'occasion de prendre le temps,

de Réaliser le moment present:

se rendre compte, consciemment,

que notre quotidien est bruyant:

Un avion passe au loin,

une tronçonneuse à 2km, au moins;

un train déplace,

dans la vallee d'en face,

des gens que leur train-train broie;

Un chien aboie.

Et c'est autant de déchirures

dans la bande son de la nature.

 

Déguisé en buisson,

je me fonds dans le paysage.

Des pieds au menton,

je porte des vêtements camouflage.

Mais des vetements sans odeurs,

stockés au grand air pendant des jours:

L'odeur de la lessive me fait peur,

elle pourrait menacer l'affût en cours.

Je connais la sensibilité

de l'odorat de ces créatures,

j'essaye de les imiter,

de faire partie de la nature.

 

J'aime à me perdre dans mère nature,

dans son immensité, avec intensité.

Ne pas penser au futur.

Et, pour un moment, me laisser aller.

Pendant l'attente,

j'essaye de rester attentif,

que je sois dans une tente

ou caché derrière un if.

 

Je me concentre sur ma respiration.

Je tente d'ignorer l'inconfort,

c'est presque une meditation.

Mais, je suis sous l'emprise d'un sort:

Souvent, mon esprit divague.

Les yeux dans le vague,

mon esprit reste dans une alerte passive,

un mouvement, une ombre furtive,

un craquement ou une fragrance,

j'attends l'animal qui trahira sa présence.

Mes pensées gambergent,

je pense à toi:

Mon cœur me tend une perche.

Douze est-il inférieur à trois?

 

Le frisson de plaisir

et la montée d'adrénaline

que me procure l'animal de mes désirs

lorsqu'il, enfin, montre sa mine,

n'est qu'une partie de ce qui m'anime:

 

C'est aussi, pour moi, l'affût:

retrouver le sauvage de ma nature;

ne plus être un visiteur perdu

mais un element actif de la nature.

 

C'est une manière d'aiguiser mes sens,

de réaliser que j'ai de la chance.

Une excuse pour revasser

et dans mes souvenir me replonger.

C'est retrouver un regard d'enfant,

regarder les détails insignifiants,

les choses qu'on ne voit plus, blasés.

C'est aussi ca, s'émerveiller.

 

11 décembre 2023. Simon Maurissen. Composé durant un affût.

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