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  • Simon Maurissen

Impressions en direct de l'affût

Updated: Jun 23, 2020

Assis très inconfortablement sur le sol, je tente de ne pas bouger. Je me force à ralentir le rythme de ma respiration, que l’adrénaline qui coule dans mes veines rend difficile à maîtriser. J’ai devant moi, à moins de dix mètres, trois petits renards âgés de quelques semaines à peine. Planqué derrière mon filet de camouflage, j’essaye de contenir les émotions que la vision de ces petits êtres sauvages innocents provoque en moi : un mélange de bonheur pur, d’excitation et d’admiration. Tout doucement, presque avec regret, ma main glisse vers ma caméra. Le choix est toujours difficile quand il s’agit de passer d’une observation directe à une vision interposée au travers de l’écran de la caméra. C’est du live indirect.

Dans la lumière du matin, ils jouent. Je m’émerveille de leurs cabrioles ; ils se dressent sur leurs pattes arrières et s’élancent les uns vers les autres. Soudain, l’un d’entre eux se désintéresse de ses frères et sœurs et porte son attention sur un insecte. S’éloignant pour le suivre, il bondit maladroitement d’un endroit à l’autre, pattes les premières, afin de l’attraper. De mon affût, je ne loupe pas une miette du spectacle. Je souris. Mais celui-ci s’efface bien vite quand je me rappelle ce que les congénères de ces mignonnes boules de poils subissent partout et toute l’année : on les traque, on les tue, on les arrache à leurs terriers à grand renfort de chiens et d’outils, pour le plaisir…pour le sport. Les renards sont considérés comme nuisibles dans de nombreux pays et sont chassables toute l’année. Mais la chasse n’a-t-elle pas sa raison d’être dans le maintient des populations d’animaux sauvages, et ce ironiquement parce que tous les grands prédateurs ont été éliminés ? Les populations de renard se portent mal et n’ont dès lors pas de raison d’être « régulées ». Leur statut de nuisible ne se justifie pas pour quelques poules volées. La rage a disparu de nos campagnes et l’homme a plus de chance d’être victime d’un accident de train que de cueillir une myrtille trop proche du sol, souillée par une déjection de renard contaminé par l’échinococcose, cette maladie typique des canidés transmissible à l’homme dont les renards souffrent. Massacres injustifiés. D’autant plus injustifiés qu’ils sont barbares et cruels. Les gens ne savent-ils pas que les renards aident à lutter contre la maladie de Lyme qui fait tant de dégâts parmi les homo sapiens qui courent la forêt ?


Alors que je suis plongé dans mes pensées morbides, la mère des renardeaux apparaît subitement. Elle s’avance silencieusement sur le monticule proche du terrier et regarde droit vers moi. Si je pouvais arrêter les pulsations de mon cœur pour faire moins de bruit en cet instant je le ferais. Je suis immobile, mais je voudrais être un buisson. Mais mon affût semble bien conçu, car la mère détourne le regard et trotte vers ses petits. Elle ne m’a pas vu. Elle ne m’a pas senti. Ouf, ma présence dans cette forêt ne laissera pas de mauvais souvenirs aux renardeaux qui, pour le moment, n’ont rien à craindre et tout à apprendre.


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